Rien, absolument rien. Non, décidemment ça n’allait pas ! Elle ne comprenait pas comment elle en était arrivé là, comment diable sa garde-robe pouvait être d’une pauvreté aussi affligeant, à croire qu’elle avait donné tous ses atours les plus somptueux pour une quelconque œuvre de charité... mais bien évidemment ça ne pouvait être ça, Elizabeth ne donnait jamais rien sans rien alors à des pouilleux en plus, quelle plaisanterie ! Quoi qu’il en soit la situation ne pouvait pas durer, comment pouvait-elle se contenter de ne porter que ces guenilles ? Même des miséreux n’en auraient pas voulu, alors elle ?! Non, décidemment, une femme de sa condition ne pouvait décemment pas sortir vêtue d’une de ces choses ! C’est pourquoi, comme à peu près une fois par semaine au grand minimum, Elizabeth décida qu’il était plus que grand temps d’aller chercher de quoi renouveler sa garde-robe et c’est donc ainsi, vêtue de ce qu’elle qualifiait de haillons, qu’elle se retrouva en bas de chez elle prête pour aller faire sa séance de shopping hebdomadaire.

Elle commença d’abord par flâner dans le quartier des orgueilleux, très sûre quant au fait de trouver son bonheur assez facilement. Bien évidemment, ce fut peine perdue comme d’habitude, les orgueilleux ne s’encombrant pas de boutiques. La jeune femme se résigna donc à aller dans le quartier des envieux, une fois de plus. Pas que ça soit une corvée, loin de là, là-bas on savait l’apprécier à sa juste valeur, voir quelle était la perle parmi les perles et toute cette attention la grisait, après tout, les envieux étant ce qu’ils sont, Elizabeth faisait toujours sensation chez eux, sans compter qu’ils avaient l’un des quartier les plus charmants d’Enfer. Non, vraiment, elle aimait l’Envie.

C’est le sourire aux lèvres qu’elle arriva donc dans le fameux quartier, plus décidée que jamais à dénicher la nouvelle perle rare parmi tout ce qui lui serait présenté aujourd’hui. Elle commença par la librairie, histoire de passer prendre les dernières partitions pour orgue commandées moins d’une semaine à l’avance. C’est aussi ce qu’elle aimait ici, le fait qu’ils soient efficaces – en total opposition avec cet atroce quartier qu’était la Paresse soit-dit au passage – ce qui lui permettait donc d’avoir tout assez rapidement, Elizabeth n’avait jamais été patiente, son orgueil ne comprenant pas qu’on puisse seulement oser imaginer de la reléguer au second plan, et c’est une chose qu’avaient rapidement compris les vendeur du coin. Quand la demoiselle Percy était là, il valait mieux tout laisser tomber sur le champ et venir exaucer le moindre de ses désirs au risque de la voir piquer une de ses célèbres crises d’ego mal placé.

Partitions sous la main, elle commença ses fouilles. Elizabeth aimait à penser qu’elle aurait fait une merveilleuse archéologue si les ossements s’étaient retrouvés remplacés par des vêtements, et trouvait par ailleurs vraiment malheureux que le shopping ne soit pas reconnu comme un sport, certaine que – une fois encore – elle aurait été la meilleure là-dedans. Carmin, émeraude ou azur, aucune couleur n’avait de secret pour elle, choisir laquelle marier avec l’autre et ajuster le tout pour se rendre somptueuse était devenu plus qu’une spécialité, peut-être même une seconde nature, comme un principe de survie ce qui, au vu de sa personnalité, était tout à fait plausible : si Elizabeth était née laide, elle en serai morte bien avant le jour de son arrivée ici.

C’est avec toutes ces pensées à la tête et après quarante-trois autre boutiques que la jeune damnée eu un coup de foudre comme jamais auparavant en arrivant dans un de ses magasins préférés. Ce côté distingué et pourtant tellement branché, ces courbes magnifiques et d’une matière tellement agréable à porter, sans oublier ce vert profond qui irait merveilleusement bien avec cette paire d’escarpins noires et émeraudes… il lui fallait cette robe, peu importe comment ! Aussi, ces avec des étoiles pleins les yeux, imaginant son apparence déjà parfaite encore plus exquise dans cette magnifique petite chose verte, qu’elle alla se planter devant le vendeur, un grand sourire au lèvres, dans l’attente d’être servie.

Le fameux sourire plus faux que nature, un vrai sourire commercial, et le cœur de la jeune femme s’emballa sous le coup de l’émotion. Dieu qu’Elizabeth aimait cet endroit, remplis d’hypocrites – certes – mais ce qu’il y a de bien avec ces gens-là c’est qu’ils s’efforçaient toujours d’obtenir vos faveurs – ou dans ce cas-ci de votre carte bleue illimitée – et que ça confortait Elizabeth dans son idée d’être au-dessus de tout, d’être spéciale. Pas qu’elle tombe facilement dans le piège du sourire à s’en décrocher à la mâchoire, mais elle se fichait totalement de la raison pour laquelle on lui donnait de ce rictus tant qu’on s’intéressait à elle. Un sentiment d’euphorie totale s’empara d’elle, tout simplement parce que dans ces moments-là elle existait vraiment et elle décrocha à son tour au vendeur son sourire le plus mielleux. Etre le centre de l’attention, existait-il quelque chose de plus grisant que cette sensation d’être importante et unique ? Quoi qu’il en soit le petit vendeur avait toujours bien su y faire pour la caresser dans le sens du poil et une ristourne ne faisait jamais de mal, bien du contraire, après tout elle la méritait après les sommes folles qu’elle avait claquées dans cet endroit.

- Une ristourne ? Voyez-vous ça ! Je m’en voudrai vraiment de refuser une proposition si alléchante…

Elle tourna les talons pour s’approcher de cette si jolie chose verte, une lueur de convoitise dans le regard. Tout en caressant distraitement l’étoffe émeraude du bout des doigts, Elizabeth décida qu’elle n’avait pas encore eu sa dose de compliments du jour et que le vendeur ferait parfaitement l’affaire. C’est pourquoi elle prit la robe devant elle, plaçant le cintre au niveau de ses épaules tout en la tenant au niveau du ventre, et se retourna vers le jeune homme.

- Vous en pensez quoi ? Est-ce que cette petite chose vaut une ristourne ?

La jeune orgueilleuse se tourna de nouveau et s’admira dans le miroir sur sa droite. C’est vrai que cette robe pourrait être somptueuse, mais comment pouvait-elle seulement juger sans l’essayer pour de bon ? C’était bien beau de jouer à la poupée qui ne fait que tenter de voir si un vêtement lui va bien, mais ça serai sans doute mieux d’essayer ledit vêtement histoire de vérifier qu’elle ait vraiment l’air éblouissante, elle ne pouvait tout de même pas se permettre de l’à peu près ! Aussi elle prit le jeune homme par le bras et l’entraîna vers les cabines d’essayages.

- Suis-je sotte, vous ne pouvez pas décemment juger sans m’avoir vu la porter ! C’est une d’avoir l’air somptueuse, c’en est une autre de l’être vraiment, et si j’ai droit à une remise je préfère être certaine de mon choix alors vous allez m’aidez, n’est-ce pas ?

Elle lui lança un regard de biais avec une petite moue moqueuse, comme s’il avait le choix de refuser… c’était son job. Oui elle allait vite lui devenir insupportable à ce rythme-là, et alors ? Après tout, il était là pour ça, être un gentil petit chien près à servir n’importe quel client désireux de dépenser des sommes astronomiques dans la boutique. Alors autant en profiter pour être capricieuse et se comporter comme une orgueilleuse digne de ce nom. Elle entra donc dans la cabine et tenta tant bien que mal d’enfiler cette saloperie. Jolie mais pas vraiment pratique, cependant seul le résultat compterait. Un fois enfilée, Elizabeth prit autant de recul qu’il était possible dans l’espace restreint et s’admira dans le miroir. Pas mal, vraiment pas mal, surtout le petit décolleté carré asymétrique et la taille haute de la robe qui se dispersait en voiles vaporeux à partir de sa poitrine. Ouais, ça lui faisait une silhouette d’enfer pour le coup, ou en tout cas vu comme ça. C’est donc tout naturellement qu’elle sortit finalement de la cabine et lança un coup d’œil sur le vendeur, Riph’… non Raphaël ou quelque chose dans le genre, comme l’ange quoi.

- Bien, bien, verdict ? Devrais-je prendre la ristourne pour celle-ci ou choisir autre chose ?

Et voilà, maintenant c’était l’heure des compliments et elle s’autorisa un petit sourire charmeur et légèrement auto-suffisant en se regardant de dos dans le miroir.