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 La route des enfers est facile à suivre... [Jason]

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MessageSujet: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptyJeu 24 Avr - 16:01



La route des enfers est facile à suivre... [Jason] 14042402391995091

... On y va les yeux fermés.


Léger soupir retenu. Quelques bruissements. Une toux silencieuse. La Mort était réputée pour sa discrétion, et elle s'en réjouissait pour une fois, le don de filature ne faisant pas spécialement partie de ses compétences. Par chance, avec son capuchon relevé ne laissant s'échapper que quelques mèches bleutées, il était facile à Tanatos de se fondre parmi la foule des âmes damnées qui s'engouffrait comme elle hors du centre commercial du quartier.

Que faisait-elle à se cacher, noyée dans la foule ? Il est vrai qu'elle ne quittait que très rarement son quartier autrement que pour aller faucher des âmes dans le monde d'en haut. Aujourd'hui était donc un jour exceptionnel. Mais ce n'était pas un simple coup de tête de la belle, non. Elle envisageait cette sortie discrète depuis un certain temps, et l'occasion venait de se présenter, il y a quelques minutes, alors qu'elle venait de faire un achat au centre et qu'elle vit passer Jason Kenneth Ellis, surement après avoir fini sa journée de travail. Il ne l'avait bien évidemment pas remarquée. Qui la regardait, à vrai dire ? Peu de monde. Vous devez maintenant vous demander "Mais pourquoi diable Jason Kenneth Ellis ?"...
Il faut savoir que la Mort retient le nom de tout ceux qu'elle abat. Elle ne pourrait pas tous vous les citer d'un coup, à froid, mais elle pouvait mettre un nom sur chaque visage qu'elle a vu personnellement, ainsi que la plupart des personnes illustres dont son mentor s'est occupé. Dans le cas de Jason, l'effort mnémotechnique était facilité par l'intérêt que portait la Mort pour ce qu'on pourrait qualifier de... fervent serviteur. C'était en effet un tueur, homologué, officiel et médaillé, un vrai, et son efficacité n'était pas à prouver : combien de fois avait-elle semé la mort à travers lui ? Elle n'avait certainement pas assez de phalanges pour comptabiliser cette hécatombe. Mais elle ne le suivait pas pour le féliciter, ni pour le réprimander. Non, elle était bien loin de ces sentiments, elle cherchait juste à comprendre. Pourquoi tant de morts ? ... N'aimait-il pas les humains ?

Ayant toujours observé de loin les Hommes, la Mort n'avait jamais réellement compris le fonctionnement de leur société, d'autant que leurs mœurs évoluaient en permanence ! C'est pourquoi elle avait opté pour la solution la plus simple, celle de suivre le jeune homme en espérant trouver la réponse à force de l'épier. Ce n'était d'ailleurs pas sa première filature du bonhomme... Et pourtant, la solution restait toujours hors de portée de ses doigts glacés... C'est ainsi qu'elle se retrouva seule, dans un labyrinthe de rues qui devenaient de plus en plus étroites, slalomant entre les flaques sur le sol pour éviter de mouiller ses pieds nus.
Prudente, Tanatos faisait attention de toujours rester à une distance moyenne d'une dizaine de mètres, parfois un peu moins pour ne pas perdre sa cible au détour d'un croisement tortueux. Il y avait malheureusement de moins en moins de monde autour, et la détective en herbe devait alors agrandir la distance qui la séparait du militaire pour ne pas éveiller sa curiosité. Son esprit ne pouvait pourtant s'empêcher de bouillonner de questions, notamment sur la conduite à prendre si il la remarquait tout de même malgré toutes ses précautions. Valait-il mieux se murer dans un silence gênant ou au contraire expliquer ses motivations et sa requête ? Il était dur de deviner comment quelqu'un pouvait prendre quelque chose lorsque l'on ne le connaissait qu'autour de la mort qu'il semait, sans parler de la sienne. Une esquisse de sourire invisible se dessina sur ses lèvres inexistantes en repensant à ce moment. Elle fut presque surprise, à l'époque, pour être parfaitement honnête. Quel coup du sort ! Elle avait hésité un instant, il faut l'avouer. Lorsque l'on squatte si souvent le corps de quelqu'un... On finit presque par s'attacher.

Et retour à la case départ dans le fil de ses pensées. Derrière cet inconnu, donc, à se ressasser quelques souvenirs d’exécutions, ne faisant presque plus attention au tapotement de ses pieds sur le macadam humide de la rue, comme la parfaite petite tête en l'air qu'elle est. On finit par ne plus savoir se concentrer longtemps, à trop vivre par procuration dans l'enveloppe charnelle des autres...




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MessageSujet: Re: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptyJeu 24 Avr - 21:51

- Relève toi ! Et plus vite que ça !


Le pauvre infortuné se contorsionne sur le sol, la trachée écrasée par la barre de musculature qui lui ait tombé dessus parce qu'il n'a pas eu la force de la maintenir levée suffisamment longtemps. Pauvre idiot. En plus, ça sert à rien que tu aies payé ce stage super cher pour te faire les muscles, puisqu'ils ne se développeront pas. Comme quoi, les pigeons existaient encore, même en Enfer... Lorsque je repose les yeux sur le maigrichon, il ne bouge plus. Ah merde, il est "mort" ! Encore. Ce qui n'est pas très grave en soit. Il devrait se réveiller d'ici quelques heures avec une migraine carabinée. Je soulève sans effort la barre et la repose sur son socle, prenant sans délicatesse le corps flasque avant de l'allonger dans l'entrée. Coach de sport... Voilà bien le pire métier qu'on aurait pu me confier ici bas. En même temps, je devrais éviter de me plaindre, puisque j'ai refusé le job que me proposait Attila en rentrant dans sa milice.

Consultant l'heure —et surtout l'argent engrangé aujourd'hui— je décide qu'il est bien temps d'arrêter le massacre. Le pire dans ce métier, c'est que moi-même, je ne peux pas m'améliorer. Heureusement que d'un autre côté, je ne perds rien de ma force ou de mon endurance, ou je serais carrément furieux d'être obligé de conseiller de malheureux clients à comment se muscler... Plutôt crever —façon de parler— que de devenir un squelette fantomatique, incapable de soulever une chaise sans grincer des dents... Je frémis rien qu'à cette pensée dérangeante. Je ne suis pas le fan numéro un des muscles, mais ma force, je l'ai construite et entretenue. Tout perdre sans rien pouvoir y faire serait terrible. En fait, c'est tellement bien d'être mort, de ne pas avoir connu la vieillesse, que ceux que j'ai tué pourraient presque me remercier ! Je rejoins le type allongé dans l'entrée, et fait mine d'attendre, avant de tourner son visage du bout de ma botte. Mouais, il se réveillera pas de sitôt. Je décide donc de le sortir dans la rue dehors, et dépose trois cachets d'aspirines sur son ventre plat. Je ferme boutique et plis bagage. Direction : mon pieu ! Et un bon sommeil. Peut-être une bière plus tard.

Je sors donc dans la rue, les mains dans les poches, fusillants du regard ceux qui m'observe, même brièvement. Oh, je n'ai pas quelque chose contre chacun d'entre eux, mais ça me détends. Ça me permet de me dire que je pourrais tous les tuer, au moins pour quelques heures. C'est vraiment quelque chose qui me manque. Certains mériteraient bien deux fois la mort. Voir plus ! Mais non, ils reviennent toujours. Parfois, j'en croise certain. Ça me fait drôle. Et encore plus depuis que ces satanés fantômes viennent squatter ma tête. Y'en a, ça leur arrive de leur vivant. Pas moi. De mon vivant, la seule fois où j'ai éprouvé ce genre de remord, c'était lors de mon premier meurtre. Un gamin en Somalie. Je m'en rappelle encore comme si c'était hier. Si je le retrouvais ici, ce serait sûrement le seul auquel je viendrais taper sur l'épaule en disant "Désolé mon p'tit gars, c'était la guerre, et puis, tu m'aurais même pas touché avec ton arme. J'aurais pas dû." Tous les autres, ou presque, ils méritaient de finir comme ça. Sans remord. Sans compassion. Et bien au contraire. C'était carrément grisant que de tuer. Surtout au corps à corps. Et si cet enfoiré m'avait pas eu aussi, ben sans nul doute que je serais encore en train de remplir l'Enfer depuis là-haut.

Approchant de mon appart', je sors de ma poche mes clés pour jouer avec distraitement, les faisant tournoyer, jusqu'à ce que, évidemment, elles s'envolent pour atterrir derrière moi. Jurant bruyamment, je retourne sur mes pas, mes yeux posés sur les clés, avant de bousculer une petite forme encapuchonnée. Grognant un "Pardon" empressé, je me baissais pour récupérer mon bien avant de relever les yeux... Et de faire un pas en arrière. La... personne était un squelette. Pas quelqu'un d'extrêmement maigre, non, non, un squelette. Bordel de... Ça ressemblait à une femme, mais... Je pouvais pas en être sûr. Bizarrement, j'avais l'impression de la connaître, un genre de sentiment de familiarité. Mais j'en doutais. Quelqu'un comme ça, je m'en serais souvenu !


- Wow. Pardon de te dire ça, mais t'as l'air d'avoir méchamment dégusté !


La ruelle était vide. Et j'étais à peu près certain qu'elle n'habitait pas le coin. Pied nus, en plus. L'air de rien, elle faisait penser aux Nazgûl du Seigneur des Anneaux. Peut-être que... Non, c'était pas possible, elle me suivait pas quand même ! Sinon, ça ne voulait dire qu'une chose :


- Ecoute, si c'est moi qui t'ait tué, ben, c'est la vie, faut t'y faire. Mais j'me souviens pas de toi pour autant.


Comme quoi, on pouvait encore faire des rencontres bizarres en Enfer, au détour des ruelles mal éclairées et sales...
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MessageSujet: Re: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptyJeu 24 Avr - 23:05



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... On y va les yeux fermés.


Zut. Ce fut l'unique mot qui traversa l'esprit de Tanatos alors qu'elle fit un brusque sursaut en entendant le bruit des clés retentissant, tintant encore dans l'air quelques secondes après la chute dudit objet. Elle ne se rendit compte que trop tard qu'elle avait du faire du bruit en tentant vainement de s'éloigner rapidement, bien trop tard puisque la personne qu'elle essayait de suivre venait de lui rentrer dedans. La bousculer ? Alors... Il ne s'était rendu compte de rien ? Elle ne put s'empêcher de se relâcher, heureuse de ne pas être totalement incompétente, ce qui ne la sortait malheureusement pas de la situation dans laquelle elle se trouvait maintenant, une situation où elle allait probablement parler.

"Wow. Pardon de te dire ça, mais t'as l'air d'avoir méchamment dégusté !", commença l'homme, apparemment pas gêné pour deux sous de savoir qu'un squelette vivant venait d'intégrer son fan club. Tanatos resta impassible, sans même bouger. Ce genre de discours, elle l'avait souvent entendu, à vrai dire. Si on a bien dégusté avant de ses livrer aux bras de la Mort, on en subi les conséquences, marqué éternellement dans le royaume de Lucifer. La plupart des damnés pensaient donc juste que c'était quelqu'un qui avait vraiment souffert et s'en tenaient à cette explication, car ce n'était pas l'intéressée qui allait les démentir, loin de là, car la demoiselle tenait à son anonymat. Et la voix reprit en effet, confirmant sa croyance d'être en face de quelqu'un qui n'avait pas connu un trépas joyeux : "Ecoute, si c'est moi qui t'ait tué, ben, c'est la vie, faut t'y faire. Mais j'me souviens pas de toi pour autant.".
Après une hésitation qui dura facilement plusieurs secondes, devenant très vite gênant, Tanatos décida de secouer la tête en haussant légèrement les épaules pour suggérer un non catégorique. Il ne pouvait pas deviner, le pauvre, que personne ne l'avait jamais tuée et ne la tuera jamais. Ayant répondu aux premières questions que l'homme avait formulées, elle se dit qu'elle avait le temps de trouver comment faire pour la suite de la discussion, n'ayant jamais réellement compris le concept de la conversation, qui impliquait que deux personnes ou plus devaient parler à intervalles régulier pour en entretenir une. Un problème s'imposait lentement : elle voulait le questionner, mais si elle parlait, il y avait de fortes chances qu'il se souvienne de la dernière voix qu'il avait entendu sur Terre. Et ça, jamais. On ne peut jamais savoir comment quelqu'un va réagir si jamais il rencontre un jour la cause plus ou moins directe de son décès. Peut-être se sentirait-il trahi de mourir après avoir tant tué ? Ne vivait-il pas dans le quartier de la Colère ? Il valait mieux éviter de s'attirer les foudres d'un colérique, leur énergie n'était vraiment pas comparable aux individus fatigués qui jonchent le quartier de la Mort.

La question du mutisme et de l'identité était réglée, certes, mais cela ne l'aidait en rien pour communiquer. La Faucheuse avant entendu parler du langage des signes lors de ses observations prolongées du monde des vivant, mais elle était loin de le maîtriser, sans parler de l'individu en face d'elle. Il savait se servir de ses cordes vocales, pourquoi aurait-il prit le temps de s'embarrasser avec une futilité pareille ?

Un soupir s'échappa de ses dents serrées. Chaque mouvement - même infime - de sa mandibule était visible, maintenant que son capuchon était retombé contre ses cervicales après son brusque mouvement de recul de tout à l'heure. Elle haussa les épaules une seconde fois, ce qui fit légèrement glisser son vêtement rapiécé, montrant son cou à la peau lisse et blanche. L'air se rafraîchissait, mais il était encore assez agréable pour quelqu'un qui avait grandit au bord du Styx. Elle se dit que ce n'était cependant peut être pas le cas de son interlocuteur, qui avait surement envie de rentrer chez lui; il fallait maintenant être bref et clair. Donc parler. Peut être que si elle se limitait au strict minimum, il serait trop occupé à répondre pour faire le lien entre cette voix et son identité qu'elle essayait vainement de dissimuler, chose qui devenait de plus en plus difficile. Tant pis. je veux une réponse, pensa-t-elle. Réfléchis. Efficacité. Et enfin... Sa mâchoire s'écarta pour laisser s'échapper quelques mots d'une voix bien plus douce que son apparence ne le suggérait : "Pourquoi tuer ?". Précis, concis. Ça avait au moins le mérite d'être clair. Reste à savoir si la réponse le sera autant, si tant est qu'il y ai une réponse...




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MessageSujet: Re: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptyVen 25 Avr - 23:41

La fillette ne répondit rien, se contentant de hausser sensiblement les épaules en secouant la tête de dénégation. Bon, c'était déjà ça de pris. C'était pas moi qui... Enfin, qui l'avait défiguré à ce point là quoi. Ça me rassurait un peu, en fait. Je savais que j'avais tué pas mal de type de façon particulièrement horrible, mais, là, j'aurais vraiment fait fort. La seule possibilité, ç'aurait été qu'elle soit une victime de nos célébrations du 4 juillet, avec nos petites fêtes organisées pour l'anniversaire de l'Indépendance... Mais c'était impossible. Je ne l'avais pas tué en la faisant exploser, je me rappelais particulièrement bien de chacune des victimes ainsi sacrifiées pour la gloire des Etats Unis, et elle n'en faisait pas partie. Même les explosifs qu'on posait régulièrement et qui avaient leurs lots de victimes collatérales ne faisaient pas autant de dégâts sur le visage de quelqu'un.

Mais en attendant, la gamine avait laissé s'installer un silence assez gênant, et j'essayais de ne pas trop la dévisager. En même temps, je ne pouvais pas trop lui en vouloir, et à vrai dire, je n'étais même pas sûr qu'elle puisse articuler un son avec son... crâne. Ça faisait plutôt peur à voir, et les questions se multipliaient dans mon esprit. Si je ne l'avais pas tué, alors que faisait-elle ici ? Et si elle habitait dans ce quartier, pourquoi diable s'était-elle arrêté ? A priori, si je l'avais juste bousculé, et une fois qu'elle avait répondu à ma question, elle aurait sûrement dû repartir, non ? Mais, visiblement, non. Elle restait plantée là, me laissant le loisir de l'observer avec un peu d'appréhension. Et si elle était un de ceux qui avaient des pouvoirs étranges ? Ceux qui pouvaient encore faire quelque chose d'intéressant une fois morts ? Je fronçais les sourcils en regardant la peau nacrée de son cou. J'allais m'éloigner prudemment pour battre en retraite dans mon appartement, lorsqu'elle parla.

Etrangement, sa voix était douce, pas du tout rocailleuse et caverneuse comme je me l'étais imaginée. Non, c'était une voix indubitablement féminine, qui me posait une question... A laquelle je restais penaud. Pourquoi tuer ? Ben pourquoi tu me poses cette question si je t'ai pas tué ? On s'en fout de pourquoi j'ai tué ! Et puis, tuer qui ? Pas elle, mais quoi, son père, son frère, sa mère..? J'en savais rien moi ! Le pire, c'était que vu sa couleur de peau, j'avais rarement tué de Blancs. J'suis pas raciste, mais mes ordres concernaient d'abord les ennemis de l'Amérique, et on m'avait pas déployé en Occident... Alors, après, il y avait bien ce vendeur d'arme norvégien que j'avais abattu, mais de là à ce qu'elle soit sa fille... J'étais même pas sûr qu'il ait une famille ce type, et puis, il devait pas être du genre à s'en occuper. Alors, c'était quoi ça ? Et surtout, si elle ne me connaissait pas... Comment savait-elle ce que je faisais ? Bon, il y avait des signes, avec ma dégaine, j'étais sûrement pas en Enfer parce que j'étais un type gourmand, mais j'avais encore jamais entendu parler de petite fille stressante venue vous demander pourquoi tuer !

Mais il y avait aussi quelque chose d'autre. Quelque chose dans sa voix qui me fit froncer des sourcils. Ça me rappelait vaguement un truc... Mais impossible de mettre la main dessus. Peut-être que je la connaissais vraiment, en fin de compte. Je plissais les yeux en jouant maladroitement avec mes clés dans ma main. Quelque chose clochait, sans que je ne puisse dire quoi. Et en même temps, je ne pouvais m'empêcher de réfléchir à sa question. Pourquoi tuer ? Les ordres, évidemment. Les ordres, et puis, la passion que j'avais acquise dans ce domaine. C'était comme prouver que les humains, en soit, n'étaient rien de plus que des muscles accrochés sur quelques os, et rien de plus. Personne n'était invincible là haut. Personne. Pas même ces chefs de guerre qui se croyaient à l'abris dans leurs forteresses. Ils hurlaient aussi bien qu'un autre quand on venait les y chercher...

Mais pourquoi tout ça ? Sans le vouloir vraiment —tout ce que je voulais, c'était rentrer et dormir— je me creusais les méninges. Les ordres, j'aurais pu y désobéir. Qu'est-ce qui provoquait chez moi ces sensations à chaque fois que je tuais ? Plusieurs des soldats que j'avais connu en étaient malades de leur vivant. Moi, ça ne m'avait pas dérangé plus que ça. Plusieurs d'entre eux ne s'habituaient plus à la vie civile, mais là encore, je m'en sortais très bien du temps où j'avais mes permissions. La plupart des soldats qui avaient connu le feu ne voulaient plus y retourner, ou appréhendaient le moment où ils devraient tuer à nouveau. Moi, je n'attendais que ça. J'étais pas non plus un psychopathe. Je voulais pas dézinguer tout le monde. Mais de mon vivant, je n'avais regretté que le premier de mes victimes. Un courant d'air m'arriva dans le dos, et je décidais que j'avais besoin d'une bière. Levant les yeux vers mon appartement, je revins me concentrer sur la petite femme devant moi, haussant les épaules.


- Heu. Ecoute, c'est pas tout ça, mais je vois pas de quoi tu parles. Par contre, tu vas attraper froid à rester comme ça, alors si tu veux me poser plus de questions, tu peux monter... et me dire comment tu sais qui je suis, aussi.


Je me serais bien donné une gifle. Inviter des gens à monter, c'était pas dans mes habitudes d'une. Et de deux, généralement, les gens me foutaient pas les jetons. Mais en même temps, j'avais pas très envie de rester dans cette ruelle, et j'avais aussi la curiosité d'apprendre qui elle était, et d'où elle savait ce que j'avais fait. Si je l'avais pas tué, pourquoi me suivait-elle ainsi, et pourquoi me posait-elle ce genre de questions où j'étais obligé de réfléchir ? J'avais aucune envie de réfléchir à ce que j'avais fait moi, je l'avais fait, et puis c'était tout. Mais si jamais je devais essayer de me rappeler pourquoi c'était si bon de tuer, alors autant que ça soit au chaud, et avec une bière. Je lui en aurais bien proposé une, mais je ne savais pas trop comment elle l'aurait pris, et tout simplement, si elle pouvait boire.
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MessageSujet: Re: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptySam 26 Avr - 20:21



La route des enfers est facile à suivre... [Jason] 14042402391995091

... On y va les yeux fermés.


Attendant patiemment que l'homme en face d'elle lui fournisse une réponse, Tanatos continuait de réfléchir pour essayer d'en trouver une aussi. Elle avait tant observé les humains, elle les appréciait même, alors pourquoi n'arrivait-elle toujours pas à les comprendre ? Était-ce ses origines infernales et démoniaques qui interdisait tout succès à ses réflexions sur la race humaine ? Ces questions finissaient toujours par revenir dans son esprit, presque depuis sa création. Et pour le moment, aucune réponse n'était apparue malgré les moult suppositions et hypothèses qu'elle avait imaginé.

Plus le silence - et donc la réflexion de son interlocuteur - se prolongeait, plus la Mort doutait. Doutait d'avoir une réponse qu'elle pourrait comprendre, ou même d'avoir une réponse tout court. Se pourrait-il... Qu'il ne sache pas pourquoi il tue ? ... Non, il réfléchit, se dit elle pour s'encourager. Il y a forcément une raison, non ? Espérant et réfléchissant tant, elle ne songeait même plus au déroulement du temps et à l'heure, qui devait être maintenant tardive. On peut dire qu'elle avait plutôt mal choisi son timing pour aller poser une question à la limite de la métaphysique à un homme sûrement épuisé après une journée de travail. Il n'avait pas besoin de dormir, c'était là un des grands avantages des Enfers, mais elle avait remarqué que la plupart des humains continuaient tout de même de se reposer en respectant un semblant de cycle biologique souvent assez semblable à celui qu'ils avaient avant de décéder. La force des habitudes, peut être ? Et si... Et si tuer était aussi devenu une habitude pour ce militaire ?
Oui, l'habitude. C'était une solution plausible, au moins à ses yeux presque toujours remplis d'incompréhension, cachés dans des orbites vides en permanence. Il avait peut être juste commencé de tuer, et avait continué, par habitude, pour respecter son rythme biologique. Un humain meurt s'il ne dort pas ou s'il ne mange pas. Certains souffrent terriblement du manque d'une chose entrée dans leurs habitudes. Alors peut être que cet homme serait mort s'il s'était arrêté de tuer ?

Toutes ces explications, plus farfelues les unes que les autres, s’enchaînaient dans la tête de la jeune femme, jusqu'à ce qu'elle obtienne enfin une réponse, coupant court à ses réflexions absurdes. Une réponse... Assez décevante. Il n'expliquait absolument pas en quoi tuer semblait si récréatif, ou si c'était juste une habitude qu'il avait prise. La moue de déception de la Faucheuse ne s'afficha pas sur son visage trop squelettique pour montrer des émotions, mais ses épaules retombèrent et elle pencha légèrement la tête sur le côté. Que faire ? Baisser les bras maintenant serait stupide, pas après tous les efforts qu'elle avait fait ! Une seule solution s'offrait donc à elle, celle de suivre cet homme dans son appartement pour espérer lui tirer les vers du nez plus efficacement que dans cette ruelle mal éclairée. Je dois faire peur, raisonna-t-elle. Il sera plus en confiance chez lui, non ? Plus en confiance pour parler.

Tanatos hocha la tête pour accepter sa proposition et lui emboîta le pas, pressée d'en finir. Non pas que l'homme n'était pas quelqu'un d'agréable, loin de là, mais le peu d'amour qu'elle portait à la conversation lui intimait de se dépêcher pour pouvoir retourner se murer dans un silence familier, devenant presque assourdissant lorsque l'on n'entendait plus un son. Lorsque même les rues devenaient silencieuses, et que presque toute la cité semblait dormir profondément.

Perdue dans ses pensées, ayant presque décroché de la réalité, elle ne se rendit compte qu'ils étaient arrivés que lorsqu'elle entra enfin dans le logement du militaire.
L'endroit en lui même ne l'intéressait pas particulièrement, mais elle inspecta tout de même le lieu, à la recherche de quelque chose. Elle n'eût pas à chercher longtemps pour trouver et se saisir d'un stylo qui semblait oublié, sur un meuble, ainsi que d'une feuille de papier qui traînait, ne regardant même pas ce qui était inscrit au recto. Sans un mot ou un regard vers son hôte, elle se dirigea vers une table basse dans ce qui semblait être le séjour, et s'assit pour commencer d'écrire sur la feuille, se réjouissant d'avoir pensé à ce moyen détourné pour discuter sans avoir à user de sa voix. Cela faisait au moins cinq ans qu'il ne l'avait pas entendue parler, avant ce soir, mais on n'est jamais trop prudent, n'est-ce pas ? Elle commença donc d'écrire des dates et des initiales, en prenant son temps pour faire fonctionner sa mémoire. Les dates qu'elle inscrivait étaient les dates où Jason avait tué des gens, et les initiales correspondaient aux noms de ses victimes. Après avoir mis les dix premiers morts, elle se rappela du nombre de dates qu'elle aurait à écrire et préféra mettre un simple "etc." qu'elle ponctua d'un "Pourquoi ?" tout en bas de la colonne de date. Une fois tout cela finit, elle se releva et alla tapoter l'épaule de l'homme avant de lui tendra la feuille, attendant de nouveau sa réaction et sa réponse, patiemment. Il était mort et elle était la Mort, donc dans le fond... Ils avaient tout leur temps.






[ HRP : Je me suis permis de supposer que Jason avait dans son logement une table basse, une feuille et un stylo. Je n'hésiterai pas à modifier si ce n'est pas le cas o/ ]
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MessageSujet: Re: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptyJeu 15 Mai - 0:24

HJ : Désolé, désolé du retard T-T ! Si quelque chose ne va pas (surtout la fin), fais moi signe, je changerais o/


Qu'est-ce qui m'avait pris, déjà, d'inviter cette gamine chez moi ? Je devais dire que j'en avais aucune idée. Elle me foutait toujours autant mal à l'aise, et, même si j'essayais de la regarder... dans les orbites, c'était pas très agréable. Ça faisait froid dans le dos, limite, peur. Si j'essayais pas autant de lutter contre ce sentiment. Une fois rentrés, je la laissais inspecter les lieux à sa guise pendant que je me dirigeais d'un pas rapide vers mon petit frigo, pour en tirer une bière plus ou moins fraîche. Je lui en aurais bien proposé une, mais... Je savais pas si c'était déplacé ou non. Bizarrement, en dépit de sa taille et de son allure frêle, elle semblait être le genre de personne qu'il vaut mieux éviter de contrarier. Je jetais un bref coup d'oeil pour voir ce qu'elle faisait, pour la trouver assise en train de griffonner. Bon, c'était déjà ça. Le contraste entre sa voix plutôt douce et l'état décharné de son corps était... dérangeant. J'eus à peine le temps d'avaler une gorgée d'alcool que sa main tapotait mon épaule. Retenant une vie de réflexe pour ne pas saisir son bras et le tordre, je l'observais un instant sans comprendre, avant de prendre le morceau de papier qu'elle me tendait.

Je fronçais les sourcils. Le "code" n'en était pas un. Il y avait clairement des dates, dix dates, et dix paires de lettres. Si les lettres ne me disaient pas grand-chose, je me rappelais sans peine des dates. Et surtout de la première. C'était celle de mon premier mort. Je regardais les lettres à côté, pour reconnaître vaguement les consonances d'un nom originaire de Somalie, me confirmant ce que je croyais. La première ligne était celle de mon premier mort. Je me penchais sur la seconde, pour me souvenir de la date de mon second —guère éloignée du premier, d'ailleurs. La huitième était plus évocatrice, puisque je me rappelais avec distinction de quoi il s'agissait. Outre qu'effectivement, il était ma huitième victime, les lettres formaient ses initiales, les seules que je connaissais, puisque j'avais du assassiner ce type particulièrement. On m'avait donc donné son nom, ce qu'il faisait, ceux de sa famille. Le "etc" était évocateur...

La question, moins. Pourquoi. Encore, ce pourquoi, mais cette fois, c'était bien plus qu'auparavant. A la première question posée à voix haute, on aurait pu penser à une personne quelconque s'interrogeant sur ma capacité à tuer. Peut-être que cette personne m'avait surprise en train de "tuer" un autre en Enfer, ou là-haut. Peut-être que l'uniforme que je portais parfois les faisait s'interroger. Mais là, c'était différent. La fille connaissait mes dix premières victimes, les dates des meurtres, et le nom des victimes. Quelque chose qui était non seulement impossible pour le commun des mortels, mais aussi, impensable pour n'importe qui. Même le Gouvernement n'avait pas toutes ces informations. Je voulus froncer des sourcils, mais je savais que déjà ma peau prenait une teinte plus pâle. C'était impossible. Je jetais un regard incrédule à la fillette, qui d'un coup, n'en paraissait plus être une. Son long manteau. Son crâne. Sa capuche noire rapiécée.

Je ne le voulais pas, mais je fis tout de même un pas en arrière. Même moi, j'avais beau me souvenir de tous ceux que j'avais tué, je n'aurais pu écrire ce début de liste macabre avec autant de précision. Je ne connaissais bien souvent pas leur nom. Les dates pouvaient se confondre, parfois, surtout quand je m'y étais habitué. Les visages restaient. Le reste s'envolait. Il n'y avait qu'une seule entité capable de retracer tous ces noms. Une seule. Mais je ne pouvais croire qu'elle existait... Si je n'étais pas déjà en Enfer. J'avais accepté de croire à des choses qui me semblait être des croyances ridicules. Je pris conscience du temps que je prenais pour réfléchir, et revins même quelques instants sur la question posée, alors qu'une autre question trottait dans ma tête... Etait-ce la Mort en face de moi ? La faucheuse, celle qu'on se faisait tatouer ? C'était la seule explication plausible, même si... Non, c'était impossible. Il devait s'agir d'une autre explication. Forcément. La Mort n'existait pas, sinon, que faisait-elle là, au lieu d'aller moissonner les gens d'en haut ? Et puis, s'il s'agissait de la Mort, elle savait très bien pourquoi on tuait, non ? Non, décidément, mon imagination allait trop loin.


- Pourquoi j'ai tué ces gens...? Toi qui a l'air de si bien me connaître, tu ne sais pas ? Je pourrais te dire... Que je tue par plaisir. Parce que c'était à cause des ordres qu'on m'a donné. Parce que c'était eux ou moi. Mais ce ne sont pas les réponses que tu attends, pas vrai ? demandais-je en scrutant ses orbites vides.


Je me tus, déposant la bière sur le meuble. Pourquoi je tuais ? Comment je faisais pour tuer, et rester détaché ? On m'avait posé la question, une fois. J'avais haussé les épaules. Je m'en fichais. J'essayais de pas y penser, d'habitude. Je m'avançais de nouveau. Elle ne devait pas penser que j'avais peur. Elle... Qui était-elle bon sang, pour me demander des trucs pareils ?! Est-ce que j'allais chez les gens pour leur demander pourquoi ils étaient arrivés en Enfer, moi ? Faisant demi-tour, je vins m'asseoir sur le canapé, en regardant la feuille. Plus je la regardais, et mieux je me souvenais des circonstances.


- Celui-là, je l'ai tué par vengeance. Celui-là parce qu'on me l'avait indiqué. Je crois que j'ai tué celui-ci parce qu'il me tirait dessus, et que j'ai riposté. Mais si tu veux une réponse d'ensemble... Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Je suis un soldat. Un soldat doit tuer. Mais je ne suis pas un soldat comme un autre. Je ne suis pas devenu fou. Je ne suis pas devenu dangereux pour mes camarades. J'ai tué, tout en restant détaché tout au long de ma carrière. J'ai tué sans sourcillé. J'y ai pris du plaisir, parfois. D'autres, c'était juste un aspect de mon boulot. Des fois, j'allais à la chasse aux ennemis, on tuait les leurs en les sortant de leurs maisons. Mais j'imagine que tu le sais déjà, non ?


Je gardais une fois de plus le silence. La question de savoir qui elle était trottait dans ma tête, comme si elle pouvait me permettre de répondre à celle qu'elle m'avait posé.


- Pourquoi j'ai tué ? Pourquoi je tue ? Je crois que... Si je tue... C'est à cause de toi, dis-je, en la regardant droit dans les orbites.


Je ne savais pas ce que je venais de dire, du moins, je ne comprenais pas encore. Mais il me semblait que je venais de dire la vérité. Quelque chose enfoui, en moi, mais que je ne parvenais pas à exprimer, pas encore. Pas clairement. Parce que je ne comprenais pas.
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MessageSujet: Re: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptySam 17 Mai - 20:17



La route des enfers est facile à suivre... [Jason] 14042402391995091

... On y va les yeux fermés.


Le temps que Jason lise le papier, puis comprenne le sens de ces dates et de ces lettres, Tanatos se demanda si c'était vraiment une bonne l'idée. Si l'ensemble de ses actions récentes était une bonne idée. Lui parler, puis le suivre, et maintenant ce mot... Elle avait pu profiter auparavant du bénéfice du doute quant à son identité, mais il ne restait plus guère de doutes possibles, maintenant. Le militaire, qui la dominait d'ailleurs de sa taille qui semblait presque gigantesque pour elle, n'avait plus vraiment l'air aussi détendu qu'après sa première gorgée de bière.
Bien évidemment, il recula d'un pas. Tanatos jugeait que le moment du recul était le moment où ils finissaient par comprendre. Il restait toujours des questions, des doutes, et beaucoup de personnes qui s'attendaient à quelque chose de plus impressionnant, bien sûr. Elle se dit que cela devait être la même chose pour son interlocuteur. Lorsque l'on est si fort, que l'on a tant tué, on doit douter de l'existence d'une quelconque Mort, et l'on doit surtout se demander comment on a pu se faire avoir par une chose si petite qu'on dirait une enfant.

Lorsqu'il se mit à parler, elle hocha la tête lorsqu'il commença de donner des raisons. Le plaisir, les ordres, la défense... Tout le monde donne ces excuses, lorsque l'on est encore en haut. Les humains semblent toujours avoir besoin de se justifier pour tuer. Tout le monde doit rendre des comptes, que ce soit à d'autres ou à soi-même. "Mais ce ne sont pas les réponses que tu attends, pas vrai ?". Non, bien sûr que non. Les raisons factices que l'on se raconte ne servent plus vraiment à grand chose, ici-bas. Il lui était déjà arrivé de demander à des morts d'expliquer pourquoi ils tuaient, et ces réponses revenaient toujours, peut être car il la craignait. Elle avait même demandé à Thanatos lui même pourquoi les humains s'entretuaient, ce qui avait beaucoup fait rire le vieil homme et vexé l'enfant qu'elle était encore. Après un éclat de rire qui semblait interminable, ponctué par quelques quintes de toux, il avait finit par parler, mais ce n'était pas la réponse. Pas celle qu'elle attendait, du moins. Elle se souvient encore de ses mots... Une réponse bien trop pragmatique pour Thanatos. Elle sentait qu'elle avait besoin de connaitre la vraie raison. Avec un peu de chance, peut-être rechignerait-elle moins à la tâche, si elle comprenait la vérité sur la mort inéluctable et pourtant trop prématurée de la majorité des hommes ?

La Faucheuse suivit son hôte lorsqu'il se retourna, ayant peur qu'il interrompe la conversation, et se dit que s'il le fallait, elle pouvait très bien le suivre jusqu'à ce qu'il accepte de cracher le morceau. Par chance, il allait juste s'asseoir sur le canapé et reprit la conversation rapidement en commençant par expliquer le contexte de quelque meurtres. Elle s'en souvenait, et bien qu'elle n'ai été présente dans sa vie qu'aux moments où il appuyait sur la gâchette, les circonstances étaient souvent assez facile à deviner. C'était un soldat, après tout. C'était d'ailleurs ce qu'il disait, ce n'était qu'un travail, pour lui, au fond.
Elle hocha de nouveau la tête pour signifier que oui, elle se souvenait de ces différentes manières de semer la mort. Le silence qui s'installa lui permit de réfléchir un peu plus. Ce n'était en effet qu'un boulot, au fond. Tout comme elle. Elle était parfois heureuse de voir des hommes mauvais tomber, tout comme la plupart du temps elle ne connaissait pas assez la personne décédée pour ressentir quelque chose de vraiment signifiant. Tout comme n'importe quel métier, au fond, non ? Mais... Non, il doit tout de même y avoir quelque chose, ce serait trop simple ! Il y a une Réponse, pensa-t-elle, les pensées bouillonnant dans son esprit et faisant presque s'éterniser le silence, jusqu'à ce qu'il soit à nouveau brisé par Jason. Et cette fois, ce fut à son tour de vouloir reculer.

Sa pâleur ne pouvait empirer et ses sourcils ne pouvaient se froncer, mais elle se décala un peu sur le canapé, voulant chercher à s'éloigner de cette réponse qui n'était toujours pas la Réponse et qui ne lui plaisait pas du tout. Peut être car il n'y a que la vérité qui blesse, et qu'ils étaient en train de s'approcher de cette fameuse vérité. Peut être juste car elle n'avait jamais voulu admettre sa part de responsabilité dans la mort des Hommes.

La Mort essaya de se reprendre et finit par se rapprocher un tout petit peu de celui qui venait de l'accuser, timidement. Il avait raison, dans le fond. Il ne le savait pas, mais il n'était pas vraiment lui lors des passages de sa vie qui se montraient fatals à d'autres. Peut être que... Peut être que pour comprendre, elle devait lui dire. Il savait déjà qui elle était, après tout, alors pourquoi continuer de s'enfermer dans son mutisme habituel ?

Elle baissa les yeux - ou plutôt les orbites - vers la feuille, et tendit son index pour pointer la première date. "J'étais toi." Son doigt descendit sur la deuxième, puis sur la troisième. "Là aussi. Là aussi." Il glissa enfin le long des autres pour s'arrêter sur le "etc.", alors qu'elle relevait la tête pour le regarder dans les yeux. "À chaque fois."

Elle se rappela les mots de Thanatos. Elle avait souvent pensé qu'il n'avait en fait aucune réponse et s'en fichait éperdument, mais un doute subsistait. Elle devait avouer qu'elle n'elle n'avait surement pas compris ce qu'il avait vraiment voulu dire. Le vieux tout craché, du genre à en savoir trois fois plus long que vous sur n'importe quel sujet tout en jouant à l'innocent ignorant... Était-ce vraiment une énigme ou juste la réponse d'un vieil homme désabusé qui n'en savait rien ? ... "À quoi servirait-on, s'ils ne se tuaient pas ?"






[ Ne t'inquiètes pas, ta réponse ma va parfaitement, je t'en prie, ne change rien ! ]
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MessageSujet: Re: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptyDim 18 Mai - 23:20

Ma réponse sembla la déranger un moment. Plus le temps passait, plus je comprenais ma réponse. Au fond, je savais déjà qui elle était. J'avais beau avoir essayé de refuser cette vérité, de la penser impossible, les faits étaient écrasants. Elle savait qui j'étais. Elle connaissait toutes les victimes que j'avais faites. Elle avait un crâne à la place du visage. Elle se promenait avec une toge noire façon Détraqueur. J'avais besoin de combien de preuves supplémentaires pour accepter avoir en face de moi la Mort ? Peut-être était-ce sa voix, presque juvénile, douce, en tous cas, qui m'avait induit en erreur. Ou son allure chétive... J'avais un pote qu'elle devait avoir tué qui s'était fait tatouer la Faucheuse dans son dos. Dans son folklore, évidemment, la Mort était forte. Elle avait une carrure semblable à la nôtre. Son crâne, bien que vide, était menaçant. Rien à voir avec mon interlocutrice donc... Et pourtant. Il s'agissait bien d'elle. La Mort. Celle qui m'avait tué. J'aurais peut être été en colère contre elle durant mes premiers jours ici. Mais plus maintenant.

J'avais accepté ma Mort. En tant que soldat, je savais que j'y serais confronté plus tôt que la plupart des êtres humains. Je savais qu'à chaque instant de ma vie, ma survie était en danger. Les opérateurs des Forces Spéciales étaient toujours des cibles de choix. Alors, que la Mort me prenne n'avait rien de surprenant. Je préférais même qu'elle m'ait prise de cette façon, plutôt qu'elle ne vienne me chercher des années plus tard, après une longue vie, et une retraite encore plus longue, où je n'aurais fait que l'attendre. La mort sur le champs de bataille valait mieux. On s'y habituait. Elle m'avait tué. Et alors ? Je l'écoutais répondre, pointer du doigt chaque date, en répétant les mêmes mots. Elle avait été moi. A chaque fois que j'avais tué. Elle avait été mon bras. Je n'avais évidemment jamais rien senti de tel. Je n'avais jamais imaginé qu'un être contrôlait mon corps au moment où je pressais la gâchette. Ce qu'elle me disait était dingue. Et si je n'avais pas déjà admis qu'elle puisse être la Mort, j'aurais sûrement tenté de tout rejeter en bloc. Non, c'était moi qui les avait tué. Moi ! Mais ça avait du sens, en fait. Peut-être que l'imaginaire collectif de la Mort fauchant la vie des individus avec sa grande lame était une aberration, en fin de compte. C'était un peu plus logique qu'elle tue par notre intermédiaire lorsque les humains prenaient la vie d'autres humains.

Je scrutais ces orbites vides, espérant y trouver quelque chose. Comment l'esprit de la Mort fonctionnait-il...? Et surtout, pourquoi ne savait-elle pas pourquoi je tuais ? Comment pouvait-elle ignorer pourquoi l'homme tuait ses semblables ainsi...? Et puis, je songeais que moi non plus, après tout, je ne savais pas. Les ordres n'étaient pas tout. J'avais tué pour bien d'autres choses, et pour beaucoup plus que la simple survie. Tuer ne me faisait rien. Ne m'atteignait pas. Comme si... Comme si j'étais déjà mort. Comme si, au moment où j'appuyais sur la détente, au moment où mes doigts serraient le cou de l'ennemi, je n'étais plus moi-même, mais elle. Comme si je percevais inconsciemment sa présence, me libérant de l'acte de tuer. Toutefois, ça n'était pas totalement exact. Ce serait trop me dédouaner, pour tout lui mettre sur le dos. Si elle intervenait à-travers moi, c'était que j'avais déjà prévu de tuer. Que j'allais tuer quoi qu'il arrive.


- Je ne sais pas si c'est la réponse que tu sembles attendre... Mais peut-être que si je tue, c'est parce que je ne sens rien. Peut-être qu'à-travers toi, je ne ressens plus aucune émotion, et ça me permet de rester détaché. Mais c'est simple, encore. Et puis, je rejette la faute sur toi, Faucheuse. Je tiens à ma part de responsabilité... dis-je avec un morne demi-sourire. Je repris la feuille, pointant le premier nom. On dit que la première victime d'un soldat le change. Le transforme. L'affecte. Et c'est vrai. Moi-même, j'ai éprouvé du remord à tuer ce gamin. Je savais que tous les soldats n'étaient pas de jeunes hommes, et que tous n'étaient pas en uniforme. Mais quand même. C'était un enfant, et le tuer, comme ça, je n'y étais pas préparé. Pourtant, on l'a bien eu, non ? On a pas hésité, dis-je, l'incluant dans mes actes. Et c'est le seul envers lequel j'ai eu de l'empathie. Peut-être que tuer quelqu'un de si jeune m'avait en quelque sorte immunisé pour les suivants... Mais je ne suis pas plus fort qu'un autre, et pourtant, beaucoup ont craqué. Tuer des gosses, des civils, des familles, ça les a rendu fous. Pas moi. Peut-être que tuer, c'était juste appuyer sur un bouton, et, paf, à trois cents mètres, l'ennemi s'écroulait. Rien de plus anonyme. Mais je me souviens de leurs visages. Et j'ai tué à la main, au couteau, avec tout ce qui me passait par la main. Peut-être... Peut-être qu'en fait, lorsqu'on a tué le premier... Tu as fait deux victimes. Peut-être que quand je suis mort, vraiment mort, le soulagement que j'ai ressenti n'était pas du à la morphine. Peut-être que quand j'ai tué ce gamin, tu m'as tué aussi. Et que depuis ce jour là, je n'étais qu'un mort en sursis. Je ne sais pas. Qu'est-ce que tu en penses ?


Je ne savais pas comment continuer. Je n'avais plus d'idée. Je repartais de zéro, je ne savais pas pourquoi j'avais tué. Ma dernière idée était peut-être farfelue, mais, honnêtement, elle valait la peine d'être posée. Discuter avec la Mort était bien plus étrange que cette idée... Elle semblait croire que j'avais la réponse absolue à sa question, mais ça n'était pas vrai. Du moins, pas consciemment. Et si elle voulait une réponse de ma part, elle allait devoir m'aider. Après tout, nous avions tout notre temps, non ? Et puis, moi aussi, j'avais envie de savoir. Envie de savoir pourquoi j'avais fait de ma vie ce qu'elle était. Envie de savoir pourquoi j'étais mort, mon corps reposant au fin fond d'un désert, le fusil pointé vers l'ennemi, la tête tourné vers ma patrie.
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MessageSujet: Re: La route des enfers est facile à suivre... [Jason]   La route des enfers est facile à suivre... [Jason] EmptyJeu 22 Mai - 16:16



La route des enfers est facile à suivre... [Jason] 14042402391995091

... On y va les yeux fermés.


Finalement, Tanatos se sentait bien. Certes, converser n'était pas son fort, mais son interlocuteur n'avait, par chance, aucun ressentiment envers elle et semblait la prendre au sérieux. Elle recula un peu pour mieux se caler dans le canapé qu'elle jugeait fort confortable, estimant qu'elle risquait de rester encore un moment, tant la discussion était intéressante et prenante. Devoir l'interrompre trop rapidement la frustrerait, d'autant qu'elle commençait d'apprécier Jason. Ce n'était pas du tout un militaire qui avait prit ce métier juste pour la passion du sang, et on sentait dans ses propos qu'il était très réfléchi et plein de bon sens. Quelqu'un de bien, en somme.

La Mort secoua doucement la tête lorsqu'il admit rejeter la faute sur elle. Ce n'était plus un problème, à ses yeux. Elle avait hésité longtemps avant de commettre son premier meurtre, accompagnée de son mentor, mais le jour où elle l'avait fait, c'était le moment où elle était prête à en assumer les responsabilités. Son existence même se résumait à être blâmée de bien des maux, étant elle même la source de nombreux maux sur Terre.
Elle l'assumait pleinement, mais cela ne l'avait pas pour autant transformée en un être insensible. Son premier mort, par exemple, ce frêle enfant presque innocent, n'ayant juste pas eût la chance de naître au bon endroit au mauvais moment. Il avait parfaitement raison, ce n'était qu'un enfant, qui n'avait jamais mérité pareille chose. Et pourtant... Il avait appuyé sur la gâchette. Non, ils avaient appuyé sur la gâchette.

Sagement, elle écoutait chacun de ses mots, presque captivée, ne pouvant qu'approuver et opiner du chef par moments pour signifier son approbation. Ce qu'il évoquait méritait d'y réfléchir, ne serait-ce qu'un instant. Peut être qu'en effet, ils n'étaient tous que des morts en sursis. Tout le monde vivait dans l'attente de son dernier souffle, mais peut être que l'on peut être déjà mort avant le coup fatal ? La faucheuse ressentait parfois cette impression de vide, mêlé de solitude et de lassitude, en allant tuer des humains, et pourtant, elle continuait de le faire. Elle continuait de massacrer à feu doux l'Humanité, tout comme le militaire en face d'elle avait continué de tuer, à sa propre échelle.

"Possible. Le premier, je ne voulais pas le tuer, pas plus que toi. Je vous observe. Je ne veux pas vous envoyer ici. Et pourtant, je le fais. Tout comme tu as continué de tuer après le premier. Je pense... Qu'une fois qu'on est anesthésié, qu'on en a trop vu pour être triste, on continue machinalement." Elle marqua une pause, quelques secondes, réfléchissant un peu et organisant ses idées dans son esprit encore un peu confus. "Mais... Ce n'est pas pareil. Si je ne tue plus, je disparaît. Il n'y a pas d'Enfer ou de Paradis. Pas pour moi. Juste le néant. Je ne veux pas disparaître. Alors je continue. Parce qu'il le faut. Parce qu'il y aura toujours des gens pour armer un pistolet, sortir un couteau ou même serrer leurs mains."

Elle s'arrêta de parler mais continua de réfléchir à ce qu'elle disait. C'était vrai, au fond, sa peur était de voir un jour quelqu'un apparaître à ses pieds et l'appelant "mentor", car cela signifierait la fin de tout. Elle ne devrait pas être inquiète puisqu'elle ne sentirait rien et ne saurait rien, au moment où elle cesserait d'exister, mais cela restait une des motivations qui la poussait à tuer. Elle était donc différente des humains, qui ne mourraient pas s'ils ne s'entretuaient pas, mais dans un sens, Jason semblait avoir raison. Ils étaient tous déjà morts, elle comprise. Sauf qu'elle était déjà morte au mauvais étage, et qu'il n'y avait rien en dessous d'eux...



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