What's the fuck is wrong with you ?!

Nul oeil ne parvient à faire abstraction de ces cicatrices lacérant son visage, vestige de son sourire de l'ange, qui semble être maintenu en place par ces anneaux de fer qu'il arbore en guise de piercing. Et pourtant, en arrivant à détacher son regard de ses balafres, en omettant ces immondices, Aharon est de ces hommes que l'on dit beau. Étincelantes sous les lueurs de la lune, ses deux pupilles auraient pu être taillées dans un cristal pur comme tant d'autres joyaux. Grande et fine, mettant sa silhouette en valeur avec des gilets tailleurs noirs qu'il affectionne particulièrement, Aharon est une dualité, entre le charme et la monstruosité.

Ashes to ashes, dust to dust...

L'on dit que la chaise électrique lui a grillé quelques neurones, mais la vérité est que sa folie est de naissance. Enfant déjà, l'on lui diagnostiqua une instabilité psychologique, bipolarité qui fait de lui un être tendre un instant et violent la seconde suivante, sensible, puis sadique, calme puis impulsif. Un pendule entre la vertu et le vice, répondant à des pulsions le poussant à des actes dont la barbarie n'a nulle limite. Ce qui fait de lui un être plus dangereux encore. À ses côtés, personne n'est à l'abri. Et jamais l'on peut l'être. Son esprit n'est soumis à aucune logique, nulle limite, capable du meilleur comme du pire. Mais dans le pire, c'est souvent lui le meilleur. Ses paroles s'imprègnent de cette liberté psychotique, souvent démente, parfois incompréhensible, comme les énigmes qu'il adore poser.

Tell me a funny fucking story.

Aharon, c'est le fruit d'une mère volage, qui n'a jamais pu lui dire concrètement qui était son père. Un gamin qui grandit en prenant, comme figure paternelle, les amants de sa génitrice, tournant chaque semaine, chaque mois au mieux. Est-ce la raison de ce déséquilibre mental précoce, qui fit de lui, à peine âgé de six ans, un gamin que les autres évitaient? Il y avait déjà en lui cette instabilité, tantôt ami, tantôt tortionnaire. Un trouble qui ne fit que croitre au fil de sa propre croissance, obéissant à ses pulsions, à son instinct changeant. Et lorsque, seul chez lui, il n'eut pas de souffre-douleur à portée de main, ayant éventré son chien quelques semaines plus tôt, il dessina sur ses joues ce sourire à jamais ineffaçable, avant d'aller se coucher, laissant son sang couler. Un sourire qui fit de lui "Cheshire", rapidement déformé en "Chess' ". Adulte, il naviguait de petits boulots en petit boulots, ne parvenant à rester guère plus que quelques jours dans une entreprise. Plusieurs fois, il goûta aux meurtres, un tueur en série imprévisible, mais négligeant, laissant inconsciemment des pistes permettant de remonter jusqu'à lui. Verdict? Peine de mort. Et une fois mort, son âme ne pouvait en aucun cas accéder à un quelconque paradis.

What's the fuck is wrong with you ?!

Mason et Noah ont pour avantage que, bien que jumeau, de ne pas être ce genre de copie-conforme provoquant bien des confusions. Délaissant tous deux leurs couleurs de cheveux naturels, Noah opta pour une teinture blanche comme neige, Mason pour des nuances plus sombres, mêlant le bleu, le violet, le noir. Ce dernier d'ailleurs a l'oreille gauche percée, tandis que son frère a toujours refusé de porter des boucles d'oreilles. Ils ont les mêmes traits du visage, mais il se dégage de Noah une forme de sagesse trouvant son opposé dans les loufoqueries de son frère. Leurs styles vestimentaires ne sont pas les mêmes également, Mason affirmant clairement ses goûts, tandis que Noah reste plus sobre dans ces tenues. Mais leur point commun se trouve dans leurs yeux, leur regard, d'un bleu profond et envoûtant, n'ayant rien à envier à celui de son frère, étant profondément similaire.

Ashes to ashes, dust to dust...

Bien que leurs délits reviennent souvent dans les conversations, les deux frères n'ont, en vérité, pas l'âme de délinquant comme beaucoup semblent le penser, bien que trouvant un certain plaisir, une certaine excitation, dans leurs méfaits. Ils étaient des enfants calmes, aujourd'hui, l'injustice les a rendus turbulents. Mason aime taguer, tandis que Noah trouve les mots justes pour dénoncer les travers de cette société infernale. Leur combat est perdu d'avance, ils le savent, mais ne jettent pas l'éponge, tous les deux têtus, et sachant motiver son double. Ils ont toujours été solidaires, inséparable, l'un ne va pas sans l'autre. Surtout pas depuis leurs morts. Des deux, Mason est le plus artistique, faisant preuve d'un talent surprenant dans le domaine du dessin, de la peinture, de la création plastique, tandis que Noah brillait dans les corps plus littéraires, jouant avec les mots depuis son plus jeune âge, adorant le théâtre. Ce dernier est plus modéré que son frère, qui est plus impulsif, plus excessif, si bien que souvent, il calme les ardeurs de son frangin, le surnommant "Mistral" en raison, justement, de cette fougue interne . Mason, plus extravertis, tire souvent sa moitié hors de sa bulle, le poussant à profiter de la vie, à s'amuser, à vivre l'instant présent sans se prendre la tête, lui donnant l'appellation de "blizzard", à cause, justement, de cette manie d'être en retrait, trop calme, trop sage, trop froid.

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L'histoire des jumeaux est, somme doute, des plus classiques. Nés à deux minutes d'intervalle, Noah fut le premier à voir le jour, mais Mason fut celui qui pleurait le plus fort. Élevé ensemble dans la banlieue de Melbourne, les deux frères, bien qu'inséparable, prirent des chemins différents. Mason était un mordu d'art, sa créativité débordante s'exprimant très tôt, notamment sur les murs de l'appartement. À cela, Noah préférait la littérature, inventant ses propres histoires, cultivant son monde imaginaire. À l'école, ils récoltaient les meilleures notes, travaillaient ensemble, trainaient ensemble, entouré de la même bande d'amis, amoureux de la même fille également, ce qui fit naître inévitablement une petite rivalité entre les deux frères. Populaire, il ne souffrait pas de la tyrannie d'autres élèves. Et quand ils se retrouvaient dans une situation critique, ils comptaient sur l'autre comme sur eux-mêmes. Grandissant, l'un rêvait de galerie d'art, l'autre de maison d'édition. Ils prirent alors des voies différentes, ce manquant l'un à l'autre, ayant tous deux l'impression de ne pas être... complet. La Mort finit par les réunir. À plusieurs kilomètres d'écart, l'un se noyait tandis que l'autre périssait dans l'incendie de son lycée. Noah mourut deux minutes avant Mason. Tous deux furent condamnés à l'enfer, injustement à leurs yeux. Pour leur laïcité, les portes du paradis demeuraient closes. Les deux enfants modèles tombèrent dans la délinquance, se révoltant contre ce système qu'ils jugeaient honteux. L'enfer devint le terrain de jeux de ses deux rebelles en herbe.

What's the fuck is wrong with you ?!

Laureen a bien changé ses dix dernières années, depuis son arrivée en Enfer. La gamine est devenue majeure, et elle a pris quelques centimètres. Mesurant désormais prêt d'un mètre soixante-dix, Laureen a délaissé le rose et autres couleurs flashies avec lesquelles sa mère l'habillait, préférant des tenues plus sobres, tout en mettant en valeur sa silhouette. Des tailleurs, des jupes, voilà ce qu'elle affectionne à cette période plus mature de son existence. Elle se maquille peu, juste assez pour faire ressortir ses yeux, et rendre ses lèvres plus désirables. Elle prend, en revanche, grand soin de ses cheveux, et des ondulations qui les parcourent, donnant naissance à une cascade brune. Véritablement, Laureen n'a plus grand-chose à voir avec la fillette qu'elle était en arrivant ici. Seulement... depuis quand les morts vieillissent?

Ashes to ashes, dust to dust...

Honnêtement, Laureen est une fille simple. Dans bien des sens du terme. Il est rare de la voir en conflit avec quelqu'un, ni même dans une situation compliquée. Elle vit paisiblement sa mort en enfer, sans même trop croire qu'il s'agit là de l'enfer. Elle a davantage l'impression d'être dans un rêve, et elle en profite. Elle en profite pour mener une existence peu mouvementée, tranquille. On la considère souvent comme une fille un peu nunuche. Personne ne peut le démentir. En ce sens aussi, elle est... simplette. Elle n'a que peu de culture, riant de tout et de n'importe quoi, crédule à souhait. Elle en est presque niaise, naïve au final. Et bien qu'elle ne soit pas de mauvaise compagnie, ses grands gestes et son débit de parole peuvent en décourager plus d'un. Laureen est une jeune femme un peu candide. Certains en profitent. D'autres s'attache à elle pour ça. Son côté "fleur bleue" n'arrange rien à la chose, mais, c'est en partie pour cela qu'on l'aime.

Tell me a funny fucking story.

Elle-même peu de choses à raconter sur son histoire. Son existence d'avant, elle ne s'en souvient que très peu. Comme un rêve qui s'estompe lorsque l'on ouvre les yeux. Ce ne sont que des fragments de mémoire floue, dont elle ne fait pas attention. Elle ne se laisse pas atteindre par ça, préférant de loin vivre son petit train quotidien. Mais en vérité, Laureen est née au pays de Galles, il y a un peu plus de dix-huit ans maintenant, au sein d'une famille pour le moins banale. Elle était la petite première, l'enfant prodige aux yeux de ses parents, chouchoutée et gâtée. Enfant déjà, elle aimait les fleurs, comme beaucoup de fillette de son âge. Puis il y a eu cet accident. La voiture de son père fut percutée par une autre. Elle était avec lui. La voiture avait fini dans un fossé, après plusieurs tonneaux. Depuis ce jour, son âme était là, en enfer, tandis que son corps demeurait sur un lit d'hôpital, dans le coma. Elle n'est pas véritablement morte. Mais son esprit rode en enfer. Ce n'est pour cela que son corps vieilli, que ses besoins naturels demeurent, et disparaissent tout aussi naturellement. Elle est nourrie dans le monde des vivants, par les perfusions. Sa vessie se vide dans le monde des vivants. Elle est différente des autres âmes. Elle le sait, mais n'y fais pas cas. Elle vit, tout simplement. Elle est une marchande de fleurs, et le reste lui importe peu.