Tell me a funny fucking story.
Une fine lumière transparaissant d’entre les rideaux tirés de sa chambre à coucher, caressant son visage marqué des ravages de son passé. Crispant ses paupières jusqu’alors closes, le jeune homme grogna imperceptiblement tandis que ses jambes se tendaient jusqu’à ce que ses orteils n’effleurent le montant de son lit, le faisant frémir de par la fraîcheur de ce dernier.
Une douleur lancinante martelait son crâne et sa bouche lui semblait pâteuse, un goût acide l’emplissant désagréablement, comme à peu près chaque matin depuis aussi longtemps que puisse remonter sa mémoire. Quand, pour le dernière fois, s’était-il réveillé sans cette affreuse gueule de bois qui, désormais, lui était aussi coutumière que l’était la sobriété pour une personne lambda ? Depuis quand n’avait-il passé une journée sans descendre l’équivalent d’un pack de bière, au bas mot ? Et, surtout, depuis quand avait-il cessé de considérer l’eau comme une boisson digne de son intérêt, la reléguant au simple stade d’utilité sanitaire, voir, au mieux, tout juste digne des quelques cafés qu’il s’autorisait à descendre afin de se dégriser ?
A bien y réfléchir, il n’en avait pas la moindre idée…
Soupirant doucement, le jeune homme passa une main sur son visage déconfis afin de tenter d’y chasser les dernières traces de sommeil, en vain.
S’étirant une nouvelle fois, il fit craquer ses os apparent sous sa peau diaphane avant de sauter sur ses pieds, tanguant légèrement alors qu’il tentait de se rattraper au montant du lit, retrouver son équilibre.
Marchant à tâtons jusqu’à sa porte, en agrippant la poignée pour l’abaisser d’un geste brusque, il pénétra la seule autre pièce de son F2, se dirigeant d’un pas machinale jusqu’à son petit coin cuisine afin de se sortir une bière et la décapsuler sans plus de cérémonie, se laissant choir sur son canapé miteux tout en attrapant mollement sa manette playstation 4, ainsi que la télécommande de sa vieille télé, première génération d’écran voulu plat.
Sirotant sa binouze distraitement, son regard fixé sur l’écran holographique d’un autre âge, le jeune homme posa sa bouteille sur l’accoudoir du canapé avant de porter sa main à son entre-jambes seulement recouverte d’un boxer aux couleurs flashy contrastant considérablement avec le reste de la pièce, ainsi que celui qui le portait. Replaçant correctement son intimité flasque à l’intérieur de ce dernier, il porta par réflexe ses doigts à son nez avant de grimacer, notant mentalement d’aller se doucher une fois qu’il aurait fini son niveau. Ou le suivant. Ou celui d’après…
Parfois, lorsque son esprit était libéré des affres de l’alcool, il lui arrivait de penser à sa vie, d’y penser franchement et, avant que les larmes ne parviennent à ses yeux, il se réfugiait dans une nouvelle torpeur salvatrice.
Ainsi allait sa vie, à la fois si loin et pourtant si ancrée dans la réalité, y puisant sa source, son histoire.
Baillant à s’en décrocher la mâchoire, le dénommé Clément frissonna de tout son corps sous la légère bise d’automne caressant sa peau nue. Se levant d’un bon, il laissa en plan sa partie afin de vérifier que sa fenêtre était bel et bien fermé, sortant un plaide de sous son canapé une fois rassuré.
Qu’allait-il faire de sa journée ? Lui-même n’en avait pas la moindre idée, se contentant pour l’heure de finir sa boisson avant de se lever en chercher une seconde, pour plus tard.
Comment en était-il arrivé là ? Quand avait-il dérapé à ce point ? A dire vrai, il en avait toujours été ainsi. Il n’avait pas plus de 10 ans lorsque, pour la première fois, il goûta à la bière que lui avait tendu le grand frère d’un ami chez qui il était allé passé la soirée, et qu’il n’y prenne goût. C’était aussi simple que ça. Quant à la suite de son histoire, elle n’est qu’un engrenage de mauvais choix, de coups du sort et d’auto destruction. Il a connu la rue, la violence, la débauche au point d’oublier des nuits entières et d’avoir à son palmarès nombre de femmes dont le nom resteraient à jamais perdu dans le courant des litres d’alcool ingurgité lors de ces instants. Il avait testé toutes sortes de drogue, espérant y trouver quelques nouvelles sensations grisantes le portant bien loin de son quotidien morose, ne s’interdisant seulement que la plus dure de toute : l’héroine.
Finissant sa partie, le regarde morne sur son écran télévisé, Clément soupira une fois de plus avant d’attraper son portable et vérifier ses messages. Des propositions de soirées, des filles pas farouches voulant remettre la couvert, voir simplement le tester, et une facture d’abandonnement. Las, il reposa son téléphone sans répondre à aucun d’entre eux, se contentant de fixer un point sur le mur terne de son appartement.
Est ce que ça valait vraiment le coup de se lever tous les matins ? Est ce que ses quelques instants d’abandon justifiaient tous les autres ? Il n’en était plus sûr. Il ne l’avait, à dire vrai, jamais été.
Buvant cul-sec sa seconde bouteille de la journée, il se leva fouiller dans sa réserve personnel à la recherche de quelque chose de plus fort que la bière, trouvant ensevelis sous un sachet de bueue quelques buvards bienvenues.
Cette découverte fut, sommes toutes, son dernier souvenir conscient.
En avait-il trop prit ? Son coeur fragilisé par une prise répété de stupéfiant avait-il finalement décidé de le lâcher ? Il n’en savait trop rien, mais ce qui était sûr c’était qu’une fois qu’il avait repris conscience, le décors autour de lui avait radicalement changé alors qu’un homme lui tendait une potion en lui indiquant qu’il était mort et que c’était à lui de choisir s’il voulait ou non se rappeler son passé avant de commencer sa nouvelle vie aux enfers.
Le voulait-il ? Non… Il avait suffisamment pleurer sa vie pour ne plus avoir de larmes à verser de l’avoir perdu. Prenant la fiole des mains de l’homme, Clément la bu d’une traite avant de se laisser happer par les affres de l’oublie, se réveillant une fois de plus dans un nouveau décors, avec une mort toute neuve s’offrant à lui.