Les corps s'enlaçaient et les souffles se confondaient dans cette pièce aussi sombre que le néant. Mais quoi de mieux que l'obscurité pour cacher les défauts et laisser les passions parler à la place de notre raison. La chaleur était étouffante et agréable à la fois, la douleur n'était plus et personne n'aurait pu imaginer ce qui se passait dans cet étrange endroit. Le péché de la Luxure est l'un de plus raisonnable comparé à son frère qu'est l'Orgueil. Mais était-ce bien une raison suffisante pour se laisser aller à cette divine faiblesse ? S'abaisser à la nature primitive de l'Homme avait quelque chose d’étonnamment Bestial pour le coup. Paradoxal non ? Toujours est-il que pour une fois depuis longtemps, je m'adonnais à cet acte de lâcheté. Oui, ma personne avait céder à ceci. Moi, la divine Orgueilleuse Rose Abberline. La jalousée des beaux quartiers et la bête noire de l'Orgueil exilée.

Le plaisir arrivé à son apogée, je laissais mon partenaire seul le temps d'aller me ressourcer dans la salle de bain. Teint pâle, maquillage devenu inexistant avec tous ces baisers et l'estomac retourné. Ne pas y penser, oublier et tout ira pour le mieux. Si j'avais pu mourir une deuxième fois, je crois que c'est la punition que je me serais infligée pour avoir manqué de force face à mes pulsions. Néanmoins, je désirais connaître le visage de celui avec qui j'avais partagé cette honte.

« Pour quelqu'un de soit disant indomptable tu t'es bien laisser soumettre ma chère Orgueilleuse... »

Cette voix... Elle se retourna et le vit, là, dans l'encadrement de la porte, les bras croisés et le sourire fier et arrogant. Non...Qu'est-ce que j'ai fait... Sa présence et son charisme légendaire. J'y avais succombé comme une vulgaire putain. Moi? La plus audacieuse de tous? Alors que toutes ces autres traînées, ils pouvaient les avoir de manière inconditionnellement et exclusive étant le grand gourou des uns et l'homme tant rêvé autrefois pour les autres. Il avait dû prendre son pied intégralement ce sale pervers! La seule qui l'a jamais remis à sa place, il avait pu la posséder et l'abaisser à sa soumission totale. La jouissance absolue, même pour celui qui est tombé amoureux de son reflet, n'est-ce pas mon cher Narcisse? Je courus jusqu'au lavabo pour me rincer le visage de cette claque monumentale, priant pour m'être illusionner moi-même mais lorsque je relevais les yeux, je le vis, son reflet dans le miroir, me murmurant à l'oreille :

«C'est fini. Ton Orgueil t'a coûté ta seconde vie, te voilà réduite à l'exil...»

Le temps de me retourner, il s'était évanoui...

[...]

Réveil brusque. Souffle court. Corps tremblant. Le même cauchemar inlassablement depuis ce jour. Ledit moment où son ego fut tellement mis bas que sa colère avait éveillé sa vengeance au plus haut point et qu'elle avait contenu ses nerfs et se mordant la lèvre jusqu'à se la faire saigner. Voilà les dignes nuits d'une âme damnées exilée. Mais la honte ne peut durer éternellement. Tout finit par se payer un jour c'est bien connu et ce genre tendre allait finir par payer.

Je ne savais pas encore comment ni quand j'allais lui faire mordre la poussière, surtout qu'ici, tout était relatif quant à la douleur, au désespoir et à la haine. Mais l'affront avait bel et bien eu lieu alors la punition devait tomber tôt ou tard. Mais pour pouvoir avoir un plan, il faut des informations. Et qui dit informations, dit lieu de toutes les rencontres. Le pub allait devoir m'accueillir dignement, autant dire que c'était chose impossible avec tous les poivrots se trouvant là-bas. Et puis, le quartier de l'Envie portait son nom à merveille ! Y passé c'était obligatoirement synonyme de tentation...et qui dit tentation, dit faiblesse. Mais j'étais trop déterminée à savoir tout ce que je voulais pour m'arrêter avant d'avoir atteint mon but.

Arborant une robe de cocktail de couleur rouge, les cheveux coiffés en chignon et les talons assortis à ma tenue, je recouvris tout ça d'une grande cape à capuche noire pour tenter de passer pour quelqu'un d'invisible dans les rues. Quelque chose me dit que j'avais perdu d'avance. C'est toujours en essayant de passer incognito que les choses se gâtent bizarrement. Logique quand tu nous tiens... Me voilà partie en direction d'un des pires endroits où j'avais mis les pieds à contre cœur. J'en aurais presque oublié le nom dudit propriétaire si ce n'était pas celui responsable de l'Humanité avec un grand h. Comme quoi, même les créateurs finissent dans des endroits sordides. Ironie du sort quand tu nous tiens.

Mais l'heure était à présent aux retrouvailles. Et prépares-toi à ce qui va t'arriver mon cher gourou car tu sais ce qu'on dit : «Quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi.»

Les souvenirs de cet endroit, lugubre à mes yeux, ne renfermant point de personnes sophistiquées, guindées et dignes d'intérêt... Que vais-je faire dans un lieu aussi malfamé ? Chercher des informations, des réponses à mes questions et pourquoi pas un futur employé. C'est bien connu, parfois la blanche colombe doit se mettre dans le costume du crapaud pour arriver à avoir ce qu'elle veut et parvenir à ses fins. Mais à force de se mélanger aux pourritures, ne risquerait-on pas de voir le masque nous coller à la peau pour ne plus jamais nous quitter ? Mais si jamais tel devait être le cas, je préférerais me terrer davantage sous terre, si cela est possible, plutôt que d'affronter le regard de ces semblables qui se complaisent dans leur vie de débauche.

Toujours est-il qu'une fois devant les portes du pub, j'hésitais à venir me mêler à la déchéance la plus totale, mais mon orgueil ne me laissait guère le choix. La vengeance m'animait désormais et je m'interdisais de faire marche arrière. Cela signifierait que cet empaffé de gourou m'a soumise moi aussi. Il en était hors de question ! On ne soumet pas une femme dont le nom reflète à merveille sa personnalité : magnifique par son apparence, fatale par son toucher. Rose. Ainsi me nomme-t-on. Peut-être que mon destin était tracé pour mon vécu. Destinée à devenir une femme aussi sublime que méprisable, envoûtante que fatale.

Poussant les portes de l'enceinte, je pénétrais dans un climat, l'un des plus vicieux ici bas, mélangé de tous les genres et saupoudré de tentation. La salle ne me paraissait guère blindée ce qui m'étonna, mais après tout, le pub venait juste de déverrouiller ses portes alors ça paraissait logique. Les serveuses étaient déjà sur leur trente et un en tout cas. Enfin, le trente et un des âmes déchues et puant l'envie et la luxure à trois mille lieux. Elles me feraient presque penser à Betty Boop, mais en moins raffinées ; car c'est bien connu, quoi de mieux pour attirer la clientèle que les jolies filles, au corps légèrement vêtu, aux atouts de rigueur et à la voix sensuelle...Pauvres potiches. Mais bon, l'éthique du Pub, si ce n'est son grand patron a dû prendre son pied en voyant ces donzelles en petite tenue. Les hommes, quelle belle bande de pervers. Mais malheureusement pour moi, je devais parlementer avec le pire de tous.

Traversant la grande salle, je vins m'accouder au comptoir, sans me dévêtir. Un sourire se dessinait sur mon visage quand le joli minois de mon futur interlocuteur vint pointer dans ma ligne de mire. Je devais bien passer pour une personne faisant tache dans le décor, car habituellement, les gens sont vêtus en connaissance de cause pour une future chasse à l'Homme. Envie, séduction, tentation. Voilà tout ce qui reflétait l'état d'esprit des lieux et ce n'est point son gérant qui pourrait dire le contraire, n'est-ce pas cher Adam ?

Cet homme m'avait toujours semblé suspect quelque part. Une sorte de mystère mélangé à un péché de chair évident. Qui pourrait le nier ? Et puis, une gueule d'ange, ça fait toujours des ravages dans le cœur de ces dames non ? Il devait avoir une mort paisible et pleine d'aventures, du moins pour ce qui est du côté charnel de la chose ; en contrepartie de son existence complètement pourrie et vue par tous comme le plus grand connard du monde. Et oui, après avoir foutu l'Humanité en l'air, quel autre statut lesdits hommes pourraient bien vous donner ? Peut-être le plus beau parleur des temps ou encore le plus chanceux, car qui ne voudrait pas avoir occupé son temps libre aux côtés d'une aussi belle plante que la Reine de l'Envie ? Mon avis sur ce type ? Difficile à décrire. Disons que tant qu'il ne me donnera pas une raison de lui cracher mon venin en pleine gueule, il ne le saura jamais... Laissons-le mijoter encore un peu histoire de s'amuser.

Tête baissée, montrant mon agacement en faisant tambouriner mes ongles sur le comptoir, j'attendais que ladite proie vienne à moi. Relevant légèrement la tête, je vis une silhouette me faire face, pour mon plus grand plaisir. Mon rictus s'élargit davantage quand mes prunelles croisèrent le regard de cet homme.

« Bonsoir, Joli Cœur. »

La flatterie. Quel meilleur moyen pour s'amuser avec autrui ? Le bercer de belles paroles, l'entourlouper, lui faire entendre ce qu'il désire, le voir se glorifier et une fois toute cette belle recette rendue à son apogée...retourner la balance. L'insulter, le mépriser, le piétiner avant de le laisser comme une vulgaire ordure et s'en aller. Ce soir, j'avais envie de jouer.